10 Mars 2015

Penser le système de santé de demain, c'est rêver au monde et aux hommes...

Docadam - Médecin généraliste bordelais

Moi, je ne peux croire que nous ne sommes pas capables de trouver aujourd'hui, une suite équitable et responsable, à l'ambition du Conseil national de la résistance, croisement d'idéaux, de volontés, à l'origine de la création de la Sécurité sociale, donc du système qui a financé notre Assurance maladie collective et universelle depuis 70 ans... Je ne peux aussi croire, qu'un système de santé puisse se construire sur l'inégalité, sur un déni de solidarité. Car comme tous les médecins de proximité, je sais qu'il n'y a pas pire qu'un malade seul. Et je ne crois pas que nous pouvons vivre, riche et en bonne santé, loin du monde et de ses pauvretés... Comment alors repenser notre système de santé ?

 

Sur 5 piliers :
1 - Réaffirmer qu'il est une chance et par uniquement un gouffre financier. Une chance pour la France, pour l'Europe peut être aussi pour le monde. Une chance de créativité, d'investissement, de croissance durable. Une chance pour la santé des Hommes et des Peuples. La santé est un marché comme tous les marchés donc à ne pas, dans ce temps de crise économique, négliger. La santé est aussi une garantie et une sécurité, un bien public et collectif pour nos territoires et au delà. Arrêtons donc de penser notre système de santé sous l'angle du "trou de la sécu". Pensons-le comme un système économique d'avenir à adapter et à réorienter pour qu'il soit plus fiable et performant.


2 - Réaffirmer que ce système de santé doit avant tout participer à la lutte contre les inégalités et être orienté vers ceux d'entre nous qui sont les plus vulnérables. Pour les restaurer, les accompagner. On ne peut accepter que notre système de santé, soit source d'inégalités, sociales ou territoriales ou ne profitent pas à ceux qui en ont le plus besoin. C'est une question d'éthique, déontologique mais aussi d'équilibre. Cela nécessite donc de hiérarchiser. De choisir. D'arbitrer dans une série de besoins tous plus légitimes les uns que les autres. Posons ensemble la question du périmètre de notre solidarité dans le champ de la santé. Courageusement.


3 - La santé fait partie avec l'éducation et la culture de ces droits fondamentaux qui forment notre pacte social. Comme médecins, revendiquons notre place dans ce pacte et assumons de participer à une forme de service aux publics. A tous les publics. Nous ne devons pas être transformés en simples producteurs ou distributeurs de biens et de services de santé. Nous devons rester les garants de l'équité républicaine car l'accès aux soins est aussi un droit. Intégrons nos actes dans une lecture globale de la santé et formons-nous pour être véritablement acteurs des choix collectifs et politiques de santé publique.


4 - Réaffirmer que le système de santé de demain sera participatif ou ne sera pas. Participation légitime du politique, des gestionnaires, des patients, du citoyen. Comme médecin nous devons défendre la mise en place d'une véritable démocratie sanitaire, c'est à dire d'une régulation collective, démocratique et responsable. Ne pas oublier que la médecine de demain sera curative mais surtout préventive (médecine des comportements), personnalisée (thérapeutique ciblée, adaptation des protocoles thérapeutiques, bas seuil d'exigence) et participative (recherche l'adhésion du patient et sa participation). Faisons comme professionnels du soins, le choix de la participation démocratique et de la négociation. Pas celui du sectarisme ou du corporatisme.


5 - Revendiquer notre liberté de praticien. Liberté responsable qui prend en compte les enjeux de santé publique ou le pacte social démocratiquement choisi. Mais liberté de construire avec un patient une stratégie de soins, de prévention et d'accompagnement. Dans l'alliance et la juste distance. Dans ce colloque libre et réfléchi, discerné et questionné. Dans cet entre deux, dans cet écart qui peut s'appuyer sur un référentiel, des critères objectifs mais qui ne doit pas devenir opposable.

Penser le système de santé de demain, c'est donc avant tout rêver au monde et aux hommes. Espérer et exiger, une ambition commune plus qu'une rémunération ou une reconnaissance factice. "Que les hommes et mes confrères m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses..."