Le Concours Médical
Février 2018

MICI DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT. Intégrer précocement les soins dans le parcours de vie

Pr Jean-Pierre Hugot


Du premier recours au milieu pédiatrique spécialisé

Les maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) peuvent survenir chez l’enfant et chez l’adulte, avec une prévalence d’environ 2 pour 1 000 habitants dans les pays développés et un quasi-équilibre entre maladie de Crohn (MC) et rectocolite hémorragique (RCH). Ces maladies sont fréquentes : 120 000 à 150 000 personnes souffrent de MICI en France.

La courbe d’incidence des MICI en fonction de l’âge est marquée par une augmentation exponentielle jusque vers la troisième décennie de la vie, un plateau plus ou moins net, puis une diminution lente(1). Les MICI de l’enfant représentent le début de cette courbe. Dans le registre EPIMAD du nord de la France, l’incidence annuelle de MC survenant avant l’âge de 17 ans était de 2,6/100 000 dans les années 1990. L’incidence de la RCH était trois fois moindre(2). Contrairement à l’adulte, il existe une prépondérance de garçons pour la MC (environ 60 % dans la plupart des études) et un sex-ratio proche de 1 pour la RCH.

Les MICI de l’enfant et plus souvent de l’adolescent sont donc des maladies relativement rares où la MC prédomine. Cependant, les MICI pédiatriques sont en augmentation dans la plupart des pays depuis la fin du XXe siècle(3). Les causes de ces changements d’incidence témoignent de l’impact de facteurs environnementaux qui restent à ce jour inconnus. Seul l’effet néfaste du tabac dans la MC implique de s’assurer de l’abstinence tabagique. Pour le reste, en l’absence de cause démontrée, une vie normale est conseillée, en particulier sur le plan alimentaire.

Les MICI ont aussi un déterminisme génétique fort : 6 à 10 % des MICI sont des formes familiales. Celles-ci sont classiquement un peu plus fréquentes chez l’enfant. Toutefois, en dehors d’exceptionnelles formes monogéniques traduisant des déficits immunitaires du très jeune enfant, les MICI pédiatriques sont des maladies multigéniques comme celles de l’adulte dont plus de 160 gènes ont été découverts ces dernières années(4).

Ce dossier du Concours médical fait le point sur ces maladies chroniques de l’enfant, et plus souvent de l’adolescent, en soulignant l’importance de savoir les reconnaître sur des signes d’appel finalement faciles à repérer et qui sont détaillés par Alain Dabadie. C’est là un rôle clé du médecin généraliste qui le plus souvent peut arriver seul à une forte suspicion diagnostique. Le bilan est habituellement réalisé en milieu spécialisé, faisant appel au réseau des pédiatres gastroentérologues pour réaliser un bilan lésionnel décrit par Bénédicte Pigneur et Frank Ruemmele. La prise en charge thérapeutique, expliquée par Anne Breton, est souvent décidée de manière collégiale par des équipes médico-chirurgicales entraînées. Il est toutefois illusoire de vouloir ramener la prise en charge à des algorithmes simples tant le traitement est personnalisé, car les MICI ont de multiples conséquences. Elles nécessitent donc une approche globale du jeune patient et de sa famille, qui est détaillée par Christine Martinez-Vinson. Cette prise en charge est réalisée en milieu pédiatrique, par une équipe où le médecin traitant et le pédiatre spécialisé animent ensemble une équipe (médecin scolaire, chirurgien, diététicienne, psychologue, enseignants, infirmières d’éducation thérapeutique) pour amener au mieux ces jeunes à l’âge adulte. L’association de malades François Aupetit est aussi un partenaire de grande qualité pour accompagner les patients et leur famille.

1. Gower-Rousseau C, Salomez JL, Dupas JL, et al. Incidence of inflammatory bowel disease in northern France (1988-1990). Gut 1994 Oct;35(10):1433-8.
2. Vernier-Massouille G, Balde M, Salleron J, et al. Natural history of pediatric Crohn’s disease: a population-based cohort study. Gastroenterology 2008 Oct;135(4):1106-13.
3. Benchimol EI, Fortinsky KJ, Gozdyra P, et al. Epidemiology of pediatric inflammatory bowel disease: a systematic review of international trends. Inflamm Bowel Dis 2011;17:423-439.
4. Jostins L, Ripke S, Weersma RK, et al. Host-microbe interactions have shaped the genetic architecture of inflammatory bowel disease. Nature 2012; 491:119-24.