Mars 2019

PROTOCOLE PLURIPROFESSIONNEL. Automesure tensionnelle : surveiller, éduquer, traiter

Karen Ramsay


À la suite d’un constat pointant la forte prévalence de maladies cardiovasculaires et la difficulté de l’observance, le centre municipal de santé de Nanterre (Hauts-de-Seine) a élaboré un protocole pluriprofessionnel d’automesure tensionnelle. Une démarche qui s’inscrit dans la lignée des recommandations des sociétés savantes.

 

Pavillon blanc en brique datant de la fin du XIXe siècle, parements en stuc imitation pierre, grandes baies vitrées… Le centre municipal de santé Maurice Thorez est un fier édifice jouxtant le parc des Anciennes-Mairies, au plein coeur de la ville de Nanterre, commune située dans le département des Hauts-de-Seine dont elle est la préfecture. Sa direction de la santé se découpe en deux entités : le service prévention – qui comprend l’espace santé jeunes, l’observatoire de la santé, les PMI municipales et le conseil local en santé mentale – et les centres de santé. Quatre structures sont réparties sur la ville : le centre médicosportif au Palais omnisports, le centre des Pâquerettes (PMI et soins dentaires), et les centres Maurice- Thorez et du Parc, davantage tournés vers le pluriprofessionnel : consultations médicales et dentaires, infirmerie, PMI, centre de planification et d’éducation à la famille, centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (Cegidd) et radiologie. Objectif : proposer des soins non programmés de proximité et de qualité en secteur 1 à la population du département.

 

UNE DÉMOGRAPHIE EN BAISSE

Dans la commune de Nanterre, en région parisienne, l’évolution de l’offre en médecine générale libérale a connu ces dernières années « un mouvement inversé », explique Sonia Belabbas, coordinatrice Atelier santé ville à l’Observatoire local de la santé. De 1990 à 2017, alors que la population ne cesse d’augmenter, le nombre de médecins généralistes est, lui, en forte baisse. La densité médicale est ainsi passée de 72,1 à 50,2 médecins pour 100 000 habitants.

À l’échelle du département, Nanterre affiche une très faible densité en médecins spécialistes (58,8 contre 125 pour les Hauts-de-Seine par exemple), ainsi qu’en professionnels paramédicaux : il y a presque deux fois moins de kinésithérapeutes à Nanterre qu’en Île-de-France, indique Sonia Belabbas. En 2017, l’offre de soins municipale – déclinée en quatre centres de santé – comptait 99 professionnels de santé dont 23 médecins généralistes et 14 spécialistes, 20 dentistes, 6 infirmières, 4 kinésithérapeutes/ostéopathes et 3 diététiciennes.

Lundi, 15h30. La salle d’attente du centre municipal de santé Maurice- Thorez ne désemplit pas : certains se renseignent sur le sevrage du tabac, d’autres attendent la séance de kinésithérapie ou les prélèvements pour analyses médicales assurés par l’infirmerie. Dans le petit bureau de l’infirmerie en face de l’accueil, Martine Vambana, infirmière coordinatrice sur les centres municipaux de santé de Nanterre, est constamment sollicitée pour des demandes de résultats sanguins, des questions de planning ou d’orientation au sein du CMS. Elle assure également l’apprentissage à l’automesure à domicile, l’une des étapes clés du protocole pluriprofessionnel d’automesure tensionnelle élaboré en 2014 par les centres municipaux de santé de Nanterre. « Développé par Claire Terra, médecin généraliste, le protocole est le fruit d’un constat partagé : une forte prévalence des maladies cardiovasculaires, des facteurs de risque élevés, un manque fréquent de diagnostic, des difficultés dans l’adaptation du traitement et de l’observance…, explique le Dr Louise Rossignol, médecin généraliste au CMS Maurice-Thorez. On remarque également qu’en consultation, la prise de tension artérielle est souvent surévaluée en raison de l’effet blouse blanche. Les recommandations de la Haute Autorité de santé ou de la Société française de cardiologie penchent d’ailleurs pour la prise de tension à domicile. »

 

DÉPISTAGE ET SUIVI

Sous l’impulsion du Dr Terra, coordinatrice médicale formée à l’éducation thérapeutique, les professionnels de santé des centres municipaux sont formés à l’éducation thérapeutique. « Une formation complète pour certains, une initiation pour d’autres », poursuit le Dr Louise Rossignol. Un groupe de travail, composé de médecins généralistes, infirmières et cardiologues, se met rapidement en place pour élaborer un protocole pluriprofessionnel permettant la mesure de la tension artérielle à domicile dans le cadre du dépistage des facteurs de risque cardiovasculaire ou du suivi des patients. « Il s’agissait de répondre à quelques questions : qu’est-ce qui justifie qu’on installe un tel protocole ? Comment le mettre en place ? Quels sont les objectifs à atteindre ? » L’Assurance maladie mettant à disposition des médecins libéraux des appareils d’automesure depuis décembre 2013, les centres s’équipent en tensiomètres. « L’objectif est de vérifier les mesures obtenues en consultation avant de porter un diagnostic définitif d’hypertension artérielle ou pour évaluer l’efficacité d’un traitement antihypertenseur », développe le médecin généraliste.

Le protocole démarre à la prescription d’un médecin des centres municipaux de santé. Une fois la feuille de soins électronique créée et insérée dans le logiciel informatique commun à l’ensemble des professionnels de santé, les infirmières du centre inscrivent le patient dans la démarche d’automesure tensionnelle et lui proposent une séance d’ETP flash : définition de la pression artérielle, indicateurs chiffrés, facteurs de risque, fréquence des mesures, prise de tension, fonctionnement de l’appareil… « Ce temps d’éducation thérapeutique est entièrement assuré par l’infirmière et permet un vrai temps d’échange avec le patient pour expliquer ou réexpliquer les notions, reparler de la pathologie en utilisant d’autres mots… », note le médecin généraliste. « L’automesure marque le début de l’investissement du patient dans sa pathologie, analyse l’infirmière coordinatrice. Avant la mise en place du protocole, j’avais tendance à faire à la place du patient en installant par exemple le tensiomètre. Aujourd’hui, je demande au patient de le placer et je le corrige si besoin. » Tout patient hypertendu peut être inclus dans le protocole ; la seule restriction étant les personnes analphabètes qui ne disposent d’aucune aide à domicile pour lire et noter les données. Entre 2016 et 2018, 278 patients ont été inclus dans le dispositif.