Juin 2019

INTERVIEW Nadège Vezinat : « Une normalisation trop poussée ne permet plus les innovations et les particularités régionales »

Sociologue et maîtresse de conférences à l’université de Reims Champagne-Ardenne, Nadège Vezinat vient de publier un ouvrage sur la politique des MSP en France.
Objectif : comprendre comment les MSP participent à la réorganisation des soins primaires.

 

Vous avez publié, en avril dernier, « Vers une médecine collaborative. Politique des maisons de santé pluriprofessionnelles en France »(1). Pourquoi cette thématique pour votre enquête ?

Nadège Vezinat : Cette enquête est partie d’un paradoxe : pourquoi des libéraux, le privé par excellence, oeuvrent à l’intérêt général ? Spécialiste des services publics, je ne connaissais pas encore le milieu de la santé quand je me suis posé cette question en 2014… J’ai donc assisté à plusieurs congrès de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS), ce qui a confirmé mon intérêt pour ce sujet : ces libéraux, très attachés à ce statut, essaient en même temps de remplir des missions d’État. Pourquoi ?

L’enquête, qui s’est étalée de 2014 à 2019, s’est attachée à étudier ces positionnements. J’ai aussi assisté à des réunions au sein de la fédération régionale Île-de-France (FemasIF) et mené des entretiens individuels biographiques. Il s’agit là du premier volet d’un travail d’HDR (habilitation à diriger des recherches). La seconde partie devrait porter sur la sociologie du travail au sein de la maison de santé.

 

Vous parlez de l’exercice coordonné comme d’une « 3e voie entre une médecine libérale et une médecine salariée ». Assiste-t-on à un changement de posture ?

Oui, je le pense. La MSP constitue encore une exception, une minorité, mais elle est très soutenue et médiatisée. Quand Emmanuel Macron dit qu’il souhaite que l’exercice isolé devienne une « aberration » – un terme d’ailleurs extrêmement fort –, il souhaite que l’exception devienne la règle. Le changement de posture est donc possible parce que les MSP bénéficient à la fois d’un soutien politique fort et d’un contexte social favorable, avec des enjeux tels que le vieillissement de la population et l’accroissement des polypathologies et maladies chroniques, les difficultés d’accès aux soins ou encore la volonté d’améliorer les liens entre la ville et l’hôpital, entre le premier et le second recours. Des éléments qui ouvrent une fenêtre d’opportunité aux MSP.

1. Publié aux Presses universitaires de France en avril 2019.