Entretien de Frédéric Bizard. De l'accès aux soins pour tous à l'accès à la santé pour tous

D’une logique de réparation, vous passez à « une logique d’anticipation du risque »…

Avec le vieillissement de la population, et la hausse des coûts de prise en charge liés aux innovations (cf. antiviraux dans l’hépatite C), si l’on veut rendre le système accessible à tous, il faut réduire le flux des patients. Tout système de santé qui n’arriverait pas à repousser le plus tard possible l’entrée dans la maladie ne sera pas financièrement soutenable, d’où la nécessité d’une « santé intégrée » dans toutes les politiques publiques et d’actions de « maintien en bonne santé » (dépistage ; et aussi réorientation des politiques publiques et du rôle des médecins vers ces objectifs de MBS de la population), dont la rentabilité est garantie (une récente étude, publiée par l’Observatoire des drogues et de la toxicomanie, chiffre à 240 milliards d’euros le coût social des drogues, alcool, tabac, en France). Ne se préoccuper que du soin, comme le font les réseaux de soins, amènera à ce que l’on voit aux États-Unis, où la prévalence du pré-diabète s’élève à 38 % et celle du diabète à 12 %, en lien avec l’obésité. La loi Le Roux, portée par un gouvernement de gauche, ouvre la porte des réseaux de soins généralisés, avec un vrai risque d’affaiblissement de notre système solidaire. Face à l’impuissance à arrêter la dérive des dépenses, certains en viennent à penser que ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée de laisser les assureurs privés gérer le système… C’est la garantie d’une hausse accélérée des dépenses et l’abandon d’un système solidaire visant à l’égalité des moyens face à la maladie. Je ne promeus pas la disparition des assureurs privés, je leur fais une place dans le système, mais différente de l’actuelle, en régulant leur activité par une autorité de contrôle spécialisée.

_{* Refonder le modèle social français : pourquoi ? comment ? Rapport pour l’institut Thomas More, juillet 2013.}